CALLiGRAPHiES SAUVAGES

Depuis une blessure à la main quand j’avais moins de 10 ans mon écriture s’est comme figée, enfantine!
Au fil des années j’ai exacerbé cette écriture claudicante, inégale, en même temps que j’ai exacerbé ma différence dans des formules écrites pour la dire ou la chanter.
On oublie que l’écriture n’est originellement qu’un dessin,quelques signes choisis en partage du langage, et nous sommes des gens d’une ère d’écriture, entre autres civilisations de lettres.

J’aime les syllabes, les ratures sur un carnet; si j’aime la grammaire et les orthographes, je savoure les créoles qui mettent en pièces des académies.
Je découpe des lettres dans des cartons, des journaux jaunis par le temps, je colle –sur le dos usé des registres de comptes– des alphabets tordus, des proses serpentines.
Je suis l’encre et le calame, je peins –tel l’enfant oublieux des choses sérieuses– une pensée insistante.
Ce papier d’emballage écorné me guide, cette phrase m’obsède, ce pot de peinture verte avec lequel jadis on a peint la véranda est l’ami qui enchante ma maxime.
Je suis l’incertain qui dérobe le parfum au deuil de quelques roses, ma poésie n’expérimente que le doute.
J’y retrouve la cadence –dans le jeu des couleurs, dans le pinceau qui m’échappe– quand, comme au piano je contrains la mesure à des acrobaties.

Denis Péan